LA RÉALITÉ EST-ELLE RÉELLE ?
La réalité est-elle réelle ?, est un documentaire (0h43) de la série Voyage dans l'espace temps, qui tente d'expliquer ce qu'est la réalité des choses que nous percevons, et si nous vivons dans un monde réel ou bien si ce n'est qu'une création de notre esprit, un sujet que les scientifiques et philosophes cherchent toujours à élucider. Présenté par Morgan Freeman.
Notre réalité est liée à notre perception visuelle du monde. Ce que je vois est ma réalité, ce que vous voyez est votre réalité. Si pour vivre notre existence il nous faut accepter de croire en la réalité des choses, cette réalité n'est pas forcément aussi réelle que ce que l'on croit. Dans un premier temps, la réalité est ce qui s'offre de façon tangible à notre expérience. Le monde tel qu'il se déroule, ce que l'on sent et ce que l'on en sait, fait notre réalité. Nous mangeons, marchons, travaillons, prenons du plaisir à l'existence en nous contentant la plupart du temps de considérer cela comme la seule évidence.
"La conception que tout individu a du monde est et reste toujours une construction de son esprit, et on ne peut jamais prouver qu’elle ait une quelconque autre existence." Erwin Schrödinger, L’esprit et la Matière.
Bien que la plupart des représentations du monde, philosophiques, scientifiques, sociales, idéologiques ou individuelles, soient très différentes les unes des autres, elles ont cependant un point commun, c'est l’hypothèse de base qu’une réalité réelle existe, et que certaines théories idéologies ou convictions personnelles la reflètent, lui correspondent, plus justement que d’autres.
D’Aristote à Descartes et jusque dans un passé très récent, les constructions scientifiques et sociales de la réalité ont été entièrement fondées sur les conceptions d’un espace à trois dimensions et d’un temps défini par une progression continue et linéaire. On peut aussi affirmer que le modèle de causalité linéaire est à la base des concepts occidentaux de responsabilité, de justice, et surtout de vérité objective, donc des notions de vrai et de faux.
Dans cette réalité, l’effet d’une cause doit suivre cette cause, il ne peut en aucun cas se produire en même temps que sa cause, et encore moins la précéder. Telle est la conception dictée par le sens commun. Il s’agit ici, semble-t-il, d’une relation de type "si..., alors", et dans cette vision du monde, il semble tout aussi impossible qu’un effet puisse devenir sa propre cause.
La perception est une énigme. Quelle est la nature de ce qui est vu ? Comment peut-on être sûr que ce que l'on voit est ce qui est ? Ce genre de questions, prétexte à d'interminables discussions dans les cercles philosophiques, peut apparaître surprenant tant il semble évident au commun des mortels que nous voyons directement les choses comme elles sont.
Ne semble-t-il pas évident que la pomme rouge qui est devant moi reste exactement comme je la vois quand j'arrête de la regarder. Cette conception, appelée réalisme direct, présente toutefois l'inconvénient d'entrer en conflit avec la description scientifique du monde. Par exemple, selon les physiciens, le rouge de la pomme est uniquement un effet provoqué par la lumière réfléchie par celle-ci sur notre système visuel et non une propriété de ce fruit. En généralisant ce type d'analyse, on en vient à conclure que la vision ne nous offre pas un accès direct à la réalité extérieure, mais uniquement une image de celle-ci.
Cette conception n'est toutefois plus en vogue chez les philosophes qui cherchent pour la plupart à se défaire de l'idée que nous n'avons accès qu'à une représentation du monde. Pour ne prendre qu'un exemple parmi de nombreuses alternatives, certains philosophes prétendent ainsi qu'on ne voit pas une pomme rouge mais qu'on voit "rougement" une pomme. En ne faisant plus de la couleur une propriété des objets, mais de notre perception, cette théorie adverbiale de la couleur serait censée rendre compte d'un contact direct avec le monde extérieur. Erreur, répond Louis Allix. A travers une critique serrée des arguments qui soutiennent ces théories alternatives, il prétend en effet qu'il n'y a pas moyen d'échapper à la thèse du réalisme indirect. Le visible ne serait donc que dans notre esprit et chacun de nous serait enfermé dans le monde clos de ses représentations.
Le propos n'est pas fondamentalement nouveau, mais tout son intérêt est d'être défendu avec vigueur et rigueur. Cela ne l'empêchera pas d'être à son tour critiqué, mais c'est ainsi que vont les débats philosophiques.
Nous ne cédons le plus souvent au doute sceptique qu’en nous heurtant à ce qui n’est pas réel, au fictif, à l’illusoire, ou quand les objets ne semblent pas se réduire à leur seule structure physique. Et si ces cartes de crédit n’étaient pas réellement de l’argent ? Et si ces bruits sortis de votre bouche n’étaient pas réellement une promesse ? Notre entourage matériel n’est guère plus à l’abri : Je suis assise devant cette table, je vois par la fenêtre le ciel et des immeubles, et je crois que toute personne normalement constituée aurait la même expérience, mais à la réflexion, quelle est la couleur de cette table, car elle change selon l’angle de vue, à la lumière du jour ou de ma lampe. Un daltonien ne la verra pas de la même façon.
Très vite, on le voit, presque simultanément, surgissent des questions de nature métaphysique et épistémologique. Quelle sorte d’objet est donc cette table ? Est-elle bien réelle ? Et, si elle l’est, puis-je seulement le savoir ? En ce sens, Émile Meyerson a parfaitement raison lorsqu’il observe que l’homme fait de la métaphysique comme il respire...
Dans notre conception du monde, fondée sur la causalité linéaire classique, deux éléments se dégagent avec une apparente logique et nécessité. D’une part, la séparation de l’observateur, le sujet connaissant, et de l’observé, l’objet connu, et d’autre part l’organisation générale du monde en fonction de paires de concepts opposés, organisation que le bon sens commun parvient à confirmer en croyant reconnaître dans l’expérience quotidienne la distinction entre cause et effet, intérieur et extérieur, jour et nuit, bien et mal, corps et âme, passé et futur, santé et maladie. Et on pourrait continuer longtemps cette énumération. Heisenberg notait : "Un monde vraiment objectif, dénué de toute subjectivité, serait, de ce fait même, inobservable."
Aujourd'hui, ce sont les sciences physiques et quantiques qui assènent les derniers coups de butoir à cette réalité que la philosophie qualifie de vulgaire ou d'ordinaire. En effet, la décortication de la matière en éléments de plus en plus petits nous a conduit à la voir disparaître de sa forme matérielle. La plus petite composition de ce qui fait notre réalité se retrouve au sein de l'atome sous la forme de quark, de boson, d'électrons, qui n'ont plus aucuns liens direct avec le matériel.
Nous sommes donc bien inclus dans un monde parfaitement immatériel. Il n'empêche que nous devons croire à cette matérialité pour exister et vivre de façon normale notre existence...
- Voir aussi :
QUANTIQUE ET CONSCIENCE : Que sait-on de la réalite ?
LE CERVEAU ET LA RÉALITÉ PERÇUE
ATOME, L'ILLUSION DE LA RÉALITÉ