LE SYSTÈME OCTOGON
Le Système Octogon, est un documentaire (1h10) sur l'histoire de l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale et de l’Union Chrétienne Démocrate CDU, le parti de Konrad Adenauer, qui aurait bénéficié de financements occultes provenant du trésor caché des nazis.
Après la Seconde Guerre mondiale, le parti du chancelier Adenauer fut financé par un vaste réseau occulte réunissant des agents américains de la CIA et d'anciens nazis. Ce système repose sur une société écran du nom d’Octogon.
Le processus de lavage d’argent était tout simple. L’entreprise donne de l’argent, qui est transféré par des voies détournées en Suisse. Là, officiellement, il est dépensé dans un but d’intérêt général inventé de toutes pièces, 10% sont soustraits au passage et le reste est récupéré par les trésoriers du parti conservateur.
Des lingots d’or, des cadavres suspects, des agents secrets, des nazis masqués et des politiciens corrompus..., cette histoire commence en 1945, dans les ruines de Berlin.
En 1944, prévoyant la défaite, deux marchands d’armes et affairistes nazis cachent de fortes sommes d’argent en Suisse pour le compte des services secrets de la SS. Après la guerre, les deux aventuriers rapatrient le trésor caché pour financer la toute jeune CDU. Anciens nazis, marchands d’armes, affairistes ou fonctionnaires et agents américains de la CIA, créent alors ce réseau de corruption et de financement politique occulte qui a pour but de donner à la CDU, le parti du nouveau chancelier Konrad Adenauer, tous les moyens financiers nécessaires.
Ce réseau va commencer par exploiter les ventes d'armes à l'armée allemande pour détourner de fortes commissions d’argent vers les caisses noires de la CDU. Le procédé est simple, on commande des armes, principalement des blindés qui ne seront jamais livrés. L'argent retourne en Allemagne, dans la banque Oppenheim, tenue par un ami d'Adenauer, et finance des campagnes politiques, explique un des enquêteurs du documentaire.
L’affaire devient publique en 1956 et provoque la constitution d’une commission d’enquête parlementaire, mais ce n’est pas l’heure de la vérité. Après plusieurs suicides et disparitions suspectes de témoins, l’enquête se termine dans la confusion. Les affaires peuvent donc continuer...
"Des parties de cette histoire étaient déjà connues, alors que d’autres restaient enfouies dans les archives classées secrètes, et que rien ne semblait les rattacher les unes aux autres. Nos recherches dans les archives récemment déclassifiées, en Suisse, en France et surtout aux USA, ont fait apparaître des pièces nouvelles et des relations insoupçonnées. En croisant les sources, nous avons pu à la fois vérifier et rassembler les morceaux épars, trouver leur place dans le puzzle, combler les vides, et recomposer l’histoire dans sa totalité", disent Fabrizio Calvi et Frank Garbely.
Malgré les difficultés rencontrées à cause du sujet gênant, le documentaire est tourné, programmé pour septembre 2008, puis, déprogrammé. Jean-Michel Meurice, le réalisateur, qui n’a pas eu droit à la moindre explication, tombe des nues. Le silence dure, il finit par comprendre que c’est la branche allemande de la chaîne qui bloque la diffusion. Le Système Octogon dérange, les historiens allemands montent au créneau. C’est le début d’une très longue période de négociations. Pendant ce temps, Arte justifie cette déprogrammation comme elle peut.
Il aura finalement fallu attendre mars 2011 et l’arrivée de Véronique Cayla à la tête de la branche française de la chaîne pour que Le Système Octogon réapparaisse dans les grilles de diffusion.
Cependant, la diffusion a un prix, c’est une version censurée du Système Octogon que découvriront les téléspectateurs français et allemands. En effet, dans sa version originale, le documentaire faisait le rapprochement entre le financement, dans l’immédiat après-guerre, de la CDU d’Adenauer par l’argent nazi et l’affaire des caisses noires d''Helmut Kohl.
A en croire Marc Ferro, au-delà de Kohl, la façon dont le documentaire révèle les accointances de Konrad Adenauer avec les nazis a dérangé les spécialistes germaniques : "Les historiens allemands ont sorti leurs épées en voyant qu’on s’en prenait à Adenauer. Je pense qu'ils se soulevaient parce que le film lève un tabou, après Hitler et le nazisme, Adenauer c’était l’intégrité, la pureté. Entacher Adenauer, c’était entacher toute l’Allemagne. C’était un film sacrilège."
Au travers de la figure emblématique d’Adenauer, premier chancelier de la République Fédérale d’Allemagne, Le Système Octogon aborde frontalement le problème de la non-dénazification dans l’Allemagne d’après-guerre, comme le souligne Jean-Michel Meurice : "Il n’y a jamais que dix-neuf personnes qui ont été condamnées à Nuremberg, alors qu’il y a des millions d’allemands qui ont été derrière Hitler. Ce n’est pas seulement l’affaire de dix fanatiques."
"Ce qui dérange, c’est le fait qu’Adenauer ait reconstruit l’Allemagne de l’Ouest avec essentiellement des nazis, et en faisant feu de tout bois avec la corruption. Toute la structure administrative de l’Allemagne nazie a continué de fonctionner après la guerre", dit le réalisateur. Selon lui, c’est ce que les historiens allemands, eux aussi victimes d’un héritage trop lourd à porter, se refusent à entendre.
- Voir aussi :
SECONDE GUERRE MONDIALE - Liste des documentaires et reportages