RESTAURANTS : FRAIS OU SURGELE ? Les pieds dans le plat
Les pieds dans le plat, est un reportage enquête (0h50) de Spécial investigation diffusé par Canal+, sur ces restaurants français qui servent à l'insu des clients, et au prix fort, des plats surgelés et/ou sous-vide sensés être frais et faits maison.
Y a t-il encore un cuisinier derrière les fourneaux des restaurants traditionnels ? De plus en plus de gourmets et de clients commencent à en douter. Si vous demandez au restaurateur ou à son chef cuisinier si ses produits sont surgelés, ils vous répondront : "Ici, tout est frais, fait maison". Les deux journalistes de Canal+ en ont fait l'expérience, et même les emballages des plats industriels trouvés le matin même dans les poubelles n'arrivent pas à ébranler la mauvaise foi des restaurateurs concernés.
Aujourd'hui, une grande partie des denrées présentes à la carte sont achetées surgelées. Les casseroles cèdent le pas au four à micro-ondes, et les plats mitonnés sont évincés au profit du surgelé ou du sous-vide.
L’image symbolique du chef, toque sur la tête et panier dans les mains en train de faire ses courses au marché, et qui ensuite passe des heures à préparer de bons petits plats, se meurt à petit feu.
Les restaurateurs sont de plus en plus nombreux à servir des plats préparés industriellement, sans annoncer la couleur aux clients, mais en gonflant leurs marges. Plus de la moitié des établissements mettent de tels produits à leurs menus, estime Gérard Guy, président de la CPIH, la Confédération des professionnels indépendants de l’hôtellerie, le deuxième plus gros syndicat de la branche. Il y a certes une différence entre la carte 100% industrielle des chaînes de restaurants et celle des tables classiques qui s’arrangent à la marge, mais dans tous les cas, c’est une forme de supercherie, puisque non seulement le client ne sait pas ce qu’il mange, mais en plus il paie son surgelé réchauffé au micro-ondes au prix du plat qui devrait être cuisiné naturellement.
Un restaurant peut ainsi proposer une quinzaine de plats différents avec seulement deux personnes en cuisine. Arômes en spray, appellations mensongères, assiettes toutes prêtes et fabriquées en usine sont les nouveaux outils en vogue dans la restauration. Dans les arrière-cuisines, les plats préparés séduisent en masse les chefs, car en achetant surgelé, les cuisiniers gagnent du temps et de l'argent.
Les industriels de l'agro-alimentaire l'ont bien compris et ils répondent à la demande. Du coup, un plat industriel congelé acheté 3 Euros est parfois vendu 18 Euros en salle. Une pure tromperie qui touche des milliers de consommateurs abusés, et rien n’oblige les établissements à préciser l’origine de leurs plats.
Sans toutefois révéler le pourcentage de restaurateurs concernés, le reportage montre que la cuisine soit disant faite maison est bien souvent livrée dès l’aube par les camions des industriels l’ayant préparée. Il n’y a alors plus qu’à réchauffer et servir.
Les distributeurs et les industriels du secteur n’ont aucun intérêt à briser l’omerta. "Nous ne connaissons pas la part de la restauration dans nos ventes", explique-t-on ainsi chez Metro, le plus important grossiste alimentaire en France. De fait, il livre aussi des milliers de cantines, tout comme les fabricants de plats préparés Fleury Michon ou Marie, où l’on dit ne pas distinguer entre les ventes à la restauration collective et aux tables classiques. Voilà tout de même des entreprises qui connaissent bien mal leurs clients…
En réalité, les professionnels apportent moult explications à l’essor des plats préparés. Du moins, en privé. Ces produits compensent la pénurie de personnel qualifié dans un secteur où le rythme de travail n’attire guère de bras. Ils facilitent aussi le respect de normes d’hygiène de plus en plus sévères. Enfin, la cuisine industrielle réduit les pertes, car le surgelé se conserve plusieurs mois et le sous-vide vingt et un jours.
Tout aussi édifiant, le business des arômes alimentaires, ces fameux sprays chimiques tels des parfums qui ne sont rien d'autre que des leurres, du maquillage vite démasqué par un palais critique.
Désinformation et manque de transparence, voilà deux des principaux maux dont souffre le secteur de la restauration et qui mènent à ce triste constat, au "pays de la gastronomie". Rien ne bouge, et pendant ce temps le contenu de notre assiette se dégrade à grande vitesse. Il serait bon de rappeler aux restaurateurs que les congelés ou les surgelés sont des produits issus principalement de l’industrie agro-alimentaire, et tout comme les sous-vides ne sont pas des produits frais non plus.
Le retour à l’utilisation de produits frais redonnerait au restaurateur envers ses clients son vrai rôle culturel de découvreur de saveurs et d’initiateur de démarches alimentaires éco-responsables qui favoriseraient la promotion de filières agricoles tournées vers leur marché local...
Il y a aussi, heureusement, de vrais bons petits restos, avec des chefs qui respectent leurs clients et de vrais amoureux de la bonne cuisine.
- Voir aussi :
PLATS PRÉPARÉS : QUE CACHENT-ILS ? - Enquête
THE FUTURE OF FOOD : Quel avenir pour notre assiette ?
LES ABERRATIONS DE NOTRE ALIMENTATION
MANGER PEUT-IL NUIRE A NOTRE SANTE ?
MANGER EN 2040 - VIVRE EN 2040
NOTRE POISON QUOTIDIEN, de Marie-Monique Robin